Mai 1889, anniversaire du centenaire de la Révolution de 1789.
Extrait de « Amour et Douleur – Sainte Marie-Madeleine à la Sainte Baume »
Septième édition, page 93 et suivantes.
Par le Père Marie-Antoine, Capucin.
« Pour voir un miracle à l’état permanent et une tradition toujours vivante depuis dix-huit siècles, il faut assister aux grandes fêtes des Saintes-Maries. Elles se célèbrent, chaque année, dans l’île de la Camargue, près d’Arles, à l’embouchure du Rhône, à la fin du mois de mai ; elles durent trois jours. … Rien ne ressemble à ces fêtes, et aucun pèlerinage ne ressemble à ce pèlerinage, …., nulle part nous n’avons trouvé ce cachet antique, cette foi naïve, simple, primitive qui est le caractère spécial de celui-ci. Ici se pressent les multitudes houleuses, tumultueuses comme des vagues de la mer, mais dociles comme elles sous le souffle de Dieu.
Quand les saintes reliques descendent de la chapelle aérienne construite dans les antiques voûtes de la vieille Eglise, quels cris ! Quelles supplications ! Quels délires ! Enfants et vieillards, savants et ignorants, bohémiens et grands marquis, tous les entourent à la fois, tous se prosternent, tous se confondent dans une même prière, dans un même chant et dans un même amour ; pendant trois jours et trois nuits ces prières sont incessantes et ces chants non interrompus ; la même pensée, la même foi soulève et passionne toutes les Ames : les prêtres nombreux qui, cette année entouraient M. le Grand-Vicaire d’Aix suffisaient à peine pour la confession et la communion.
Avant l’ascension des reliques a lieu la grande procession : on porte en triomphe les statues des Saintes Maries ; elles sont dans une petite barque, plus de deux cent porteurs se disputent ce bonheur et, se pressant les uns contre les autres, ils veulent tous porter ensemble leurs saintes bien-aimées ; les malades, étendus sur leurs grabats, les attendent au passage ; les femmes lèvent en l’air leurs petits enfants qui tendent leurs petites mains et envoient leurs baisers ; tout le monde pleure, crie, chante et tressaille. Arrivés sur le rivage, les porteurs ne s’arrêtent pas ; ils avancent bien avant dans la mer, à l’endroit même où la tradition rapporte qu’abordèrent les Saintes Maries ; ils ont de l’eau jusqu’aux genoux et ils avancent toujours, disant aux flots de s’apaiser et à la mer de se retirer par respect pour leurs saintes chéries ; vous seriez mal reçu si vous osiez leur dire que la mer n’est pas docile et ne se retire pas à l’instant.
Invité à parler, au retour, dans l’antique église, que dire à cette multitude de pèlerins ? Quelle éloquence pouvait égaler leur foi, leur enthousiasme et leur amour !… Me faisant leur écho, je n’ai pu que crier avec eux : Vive ! Vive les Saintes Maries ! Et à ces cris vingt fois répètés ajouter cette prière que les auditeurs accompagnaient de leurs larmes et de leurs soupirs :
O saintes Marie-Jacobé et Salomé, et surtout vous, sainte Marie-Madeleine, ensemble vous avez pleuré sur Calvaire au pied de la Croix et maintenant vous voilà dans le triomphe et dans la gloire !… Portées sur une barque fragile, sans gouvernail, sans rames, sans voiles, vous avez traversé les mers et abordé sur ces rives ; guidez sur les flots la barque fragile du successeur de Pierre, et sauvez la pauvre France ! Voilà cent ans qu’elle flotte sur les abîmes, sans gouvernail, sans voiles, sans rames…
O saintes Maries, sauvez la France ! »
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