Saint Eugène de Mazenod (1782 – 1861), Un grand Saint de Provence.
De souche forézienne, les Mazenod de Provence s’établirent à Marseille aux alentours de 1529 et s’enrichirent progressivement dans le commerce des drogueries. Le grand-père d’Eugène, Charles-Alexandre abandonna le négoce, étudia le droit et obtint en 1741 une charge de président à la Cour des Comptes, Aides et Finances de la Provence. Il vint résider à Aix, tandis que son frère, Charles-André, demeurait à Marseille comme grand vicaire du diocèse.
La Provence souffrit à cette époque comme le reste du royaume des divisions qui régnaient entre les partisans et les adversaires des Jésuites dans le conflit provoqué par la résistance des Jansénistes à l’autorité papale.
Les Mazenod manifestèrent une opposition constante à l’esprit d’hostilité des Parlements envers l’Eglise.
Charles-Antoine de Mazenod, fils aîné de Charles-Alexandre, avocat, jeune président de 26 ans, entra comme son père à la Cour des Comptes en 1771. Il épousa en 1778 Marie-Rose-Eugénie Joannis, fille d’un riche médecin de la ville qui améliora la situation financière des Mazenod. Charles-Joseph-Eugène, leur premier héritier, naquit le 1er Août 1782. L’enfant affirme de bonne heure une volonté tenace, des réactions spontanées, une bonté de cœur qui ne calcule pas et une franchise totale. Ces qualités disciplinées et mises au service de l’Eglise permettent à Eugène de Mazenod d’accomplir une œuvre gigantesque et de faire face à tous les obstacles.
Monsieur de Mazenod s’oppose nettement à la Révolution française de 1789, et, devant les menaces, gagne Nice pour protéger sa famille. C’est le début d’une longue émigration de 11 ans ponctuée d’étapes : Turin, Venise, Naples, Palerme. De retour à Marseille en 1802, Eugène dépaysé est frappé de désarroi. Il envisage même de retourner à Palerme. La foi l’aide à trouver sa voie, et il décide en 1808 de se mettre « au service de l’Eglise » au moment même où les armées napoléoniennes occupent Rome.
Il entre au séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Le Pape Pie VII ayant été emprisonné à Savone, Eugène de Mazenod rejoint clandestinement les groupes de résistance à la dictature impériale. Par une vie pauvre il se libère de ses habitudes aristocratiques. Il est ordonné prêtre à Amiens en 1812. Il rêve de ranimer la foi des villageois des campagnes provençales. Au Carême de 1813 il inaugure à la paroisse de la Madeleine à Aix-en-Provence une série d’entretiens réservés aux domestiques et aux artisans. Quand l’entière liberté religieuse revient en 1815, il fonde une société de missionnaires dans un ancien couvent. Les missions débordent à partir de 1818 – 1819 sur le Var et les Hautes-Alpes. Elles s’adressent surtout aux localités rurales des campagnes par fidélité à leur devise : « Pauperes evangelisantur ». Les pauvres sont évangélisés. Le Père de Mazenod a dirigé personnellement presque toutes ces missions prêchées en provençal qui duraient un mois environ et s’achevaient par la plantation d’une croix. Il comptait pour convertir les âmes sur la force de la prière et de la pénitence.
Dans ce renouveau de foi religieuse, le fondateur des Missions de Provence recherche une authentique efficacité surnaturelle. En 1818, les Missionnaires s’installent à Notre Dame du Laus et décident de se consacrer à Dieu par l’oblation perpétuelle. En 1826 le Pape Léon XII reconnaît officiellement l’œuvre du fondateur sous le nom de Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Le Père de Mazenod doit subir des attaques contre sa personne et ses initiatives de la part d’un clergé aixois divisé.
Son oncle, Charles-Fortuné revenu d’exil et nommé évêque de MARSEILLE en 1823 à l’âge de 75 ans exige que son neveu devienne vicaire général. Les intrigues politiques visant à supprimer le siège épiscopal de Marseille, le vieux prélat obtient du pape que son neveu obtienne le titre d’évêque titulaire en 1832 à l’insu du gouvernement français pour sauver le diocèse. En 1837, Eugène de Mazenod succède à son oncle démissionnaire. Il va être le restaurateur de l’Eglise de Marseille. Soustrait à la vocation de missionnaire, il va en garder profondément l’esprit, se dévoue avec un zèle apostolique et intervient partout où il peut faire du bien.
Il se fixe quatre heures de réception par jour. Missionnaire itinérant, il donne chaque année la confirmation dans toutes les paroisses de son diocèse. Il prêche aussi bien en langue provençale, surtout dans les campagnes, qu’en français.
A Marseille, jusque dans les dernières années, il se déplace comme un simple curé pour remplir les devoirs de son ministère. A 77 ans, en plein hiver, il va visiter un malade à travers une rue de misérables. Il va donner la confirmation à un enfant mourant qui le réclame au cinquième étage d’une pauvre demeure.
Lors des épidémies fréquentes de choléra, il visite les hôpitaux et les maisons particulières. Malgré ses journées bien remplies, accaparé parfois par cinq cérémonies le même dimanche, il ne détourne pas son attention des grands intérêts de l’Eglise. Il lutte pour la liberté de l’enseignement. Il était fier de sa cité qu’il aimait et qui connaissait un prodigieux essor.
S’intéressant à tous ses progrès, il était toujours présent pour bénir les grandes entreprises : canal des eaux de la Durance, arrivée de la première locomotive dans la gare Saint Charles, palais de la Bourse du Commerce.
La population de Marseille double presque pendant l’épiscopat de Mgr de Mazenod et atteint 260.000 habitants en 1861. Il crée 21 paroisses et construit 34 églises. Il fait commencer les travaux de deux vastes chantiers : la nouvelle Cathédrale de la Major et la Basilique de N.D. de la Garde.
Il accomplit un effort remarquable d’équipement pastoral : 26 institutions charitables, 7 nouvelles communautés d’hommes, 24 congrégations de femmes.
Par ailleurs, l’esprit de cet évêque courageux déborde l’horizon de son diocèse. En 1841, Mgr BOURGET, évêque de Montréal, fait une halte à Marseille. Il a besoin d’aide pour évangéliser les immenses territoires du Canada. Tous les missionnaires de Mgr de Mazenod s’offrent immédiatement à partir. Six privilégiés furent choisis. Le fondateur avait pressenti l’étonnante expansion que prendrait son œuvre. La porte vers l’Ouest canadien ne tarda pas à s’ouvrir. En 1845, Mgr PROVENCHER, évêque de Saint Boniface offre aux Oblats un territoire grand comme l’Europe. Une héroïque « épopée blanche » devait conduire les fils de Mgr de Mazenod à travers les prairies et l’Athabaska-Mackenzie jusqu’aux esquimaux de la Terre Stérile. En 1859 le Père Grolier atteint le cercle polaire au fort Good Hope, « Notre Dame de Bonne Espérance ». Quelques Pères pénètrent aux Etats-Unis et s’établissent au Texas en 1849.
« Je voudrais pouvoir fournir des missionnaires au monde entier » ne cessait de répéter Mgr de Mazenod. Des équipes de missionnaires partent pour l’Orégon sur les côtes du Pacifique, en Orient, au Natal dans le fin fond de l’Afrique …
L’évêque et le supérieur général voient progresser d’un même pas ses deux familles, religieuse et diocésaine. Une de ses plus grandes joies fut la proclamation solennelle le 8 Décembre 1854 par le Pape Pie IX du dogme de l’Immaculée Conception.
La complicité de Napoléon III pour arracher au Saint-Siège la possession des Etats pontificaux assombrirent les derniers jours de Mgr de Mazenod qui portait envers le Pape une dévotion ardente. Il souffrit beaucoup des malheurs de l’Eglise.
Après 38 ans d’épiscopat Eugène de Mazenod s’éteignit le 21 Mai 1861 à Marseille ayant accompli un extraordinaire labeur dépensé dans les tâches quotidiennes.
Attachant par sa générosité et son dévouement permanent, il s’est haussé jusqu’à l’oubli total de sa personne, par soumission et fidélité à l’Eglise dont il ne voulut être que le serviteur.
Mgr de Mazenod a été béatifié par Paul VI le 19 Octobre 1975 et, depuis lors, canonisé le 3 Décembre 1995 par Jean-Paul II.
Il est fêté le 21 Mai.
Saint Eugène de Mazenod, priez pour nous
Par Henri PRABIS, agrégé d’Histoire,
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